Vous êtes-vous déjà demandé comment un pianiste concertiste pouvait s’asseoir dans un auditorium plein à craquer et jouer un concerto de Tchaikovsky sans même une partition sous les yeux ? Ou comment vos propres pieds se souviennent de la manière dont pédaler sur un vélo ? Ou encore pourquoi il est préférable de renoncer à une heure de révision supplémentaire à la veille d’un examen ? En fait, au final, tout pourrait bien être lié à la quantité et à la qualité de notre sommeil.
Selon une étude récente publiée sur Nature Neuroscience, nous pourrions trouver les clés de la compréhension du développement de la mémoire procédurale en examinant notre sommeil. Selon l’étude, menée sur des souris, « le sommeil paradoxal dessine les épines dendritiques post-synaptiques des neurones pyramidaux de la 5ème couche dans le cortex moteur chez la souris, et ce pendant le développement et l’apprentissage des capacités motrices. »
Déchiffrons un peu : pendant que les souris sont en plein sommeil paradoxal, une nouvelle croissance se dessine sur les neurones, appelés épines, et qui sont similaires aux branches ou aux racines d’un arbre. Une partie de la croissance se poursuit, tandis que d’autres parties sont « sectionnées » afin « d’équilibrer le nombre de nouvelles épines qui se forment au fil du temps. »
Dans l’étude susmentionnée, des chercheurs ont privé de sommeil paradoxal un groupe de souris et l’ont comparé à un groupe de souris témoins ayant dormi normalement. Chez les souris témoins, certaines nouvelles épines (formées dans les neurones) s’étaient dessinées, tandis que d’autres s’étaient renforcées. À l’inverse, chez les souris privées de sommeil paradoxal, ce phénomène de « dessin » et de renforcement était bloqué.
Qu’est-ce que cela signifie pour les êtres humains ? Fondamentalement, cette recherche démontre qu’en se débarrassant d’une « plasticité synaptique excessive », le sommeil paradoxal permet de créer davantage d’espace pour l’acquisition et le stockage de la mémoire procédurale. Mieux encore, le sommeil paradoxal aide à renforcer ces nouvelles épines pendant le développement et après l’apprentissage. Ceci signifie que si vous révisez pour un examen important ou si vous apprenez une nouvelle activité, danser la salsa par exemple, une bonne nuit de sommeil sera une aide précieuse pour consolider le stockage des nouvelles informations dans votre cerveau !
Un article publié dans ars Technica UK a expliqué la chose suivante : « Un manque de sommeil paradoxal pendant la phase de développement est connu pour avoir des effets néfastes sur la maturation du cerveau » et a indiqué que, grâce à cette étude récente, les chercheurs disposaient de nouvelles connaissances sur les capacités réelles du cerveau. « En l’absence de sommeil paradoxal suffisant pendant la période de développement » expliquent-ils, « les cerveaux des jeunes et des adolescents pourraient ne pas être capables d’établir au mieux les connexions entre leurs neurones pour garder en mémoire ce qu’ils ont appris. » En d’autres termes, avoir des cycles de sommeil sains et une dose de sommeil paradoxal suffisante chaque nuit sont deux éléments essentiels afin de « scotcher les tâches nouvellement apprises. »
Nous savons depuis longtemps que le sommeil agit sur la mémoire. Dans un article publié dans Harvard Health Publications, Howard LeWine, docteur en médecine, explique : « En matière de mémoire, le sommeil est apparenté au syndrome de Boucle d’or. Il n’en faut ni trop, ni trop peu. » Il nous a fait part de ses constatations : le fait de dormir plus de neuf heures ou moins de cinq heures contribue à de moins bons résultats aux tests neurologiques. De surcroît, un article paru dans le American Physiological Society souligne que « plus d’un siècle de recherches a permis d’établir que le sommeil favorise la préservation de la mémoire. » Ce n’est donc pas tant le fait de savoir que le sommeil affecte la mémoire qui rend cette étude récente si intéressante, mais plutôt qu’elle nous fournisse une base solide et concrète pour comprendre comment le processus intervient, et son utilité dans nos vies au quotidien.
Ainsi, la prochaine fois que vous apprendrez quelque chose de nouveau, pensez à créer un environnement favorable à une bonne nuit de sommeil. Dormir vos huit heures et profiter pleinement de la phase de sommeil paradoxal, voilà vraisemblablement la clé pour vous souvenir de tous ces pas de danse !
Cet article fait partie d’une série pour le Mois du Sommeil. Découvrez tous nos autres articles ici !